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  LE PHARAON BLANC







une proposition...

Chapitre 5 
 
Arrivé sur le palier du 4ème étage de cet immeuble à l’architecture très parisienne, je sonnai presque fébrilement à la porte sur laquelle était inscrit le nom de mon auteur favori. Un homme m’ouvrit.  
“ Veuillez entrer, je vous prie, Monsieur Carter. Monsieur Morante vous attend “  
D’une bonne tête plus grand que moi, celui ci était vêtu d’un costume anthracite, d’une cravate noire et d’une chemise blanche. La sobriété de son accueil était à l’image de son apparence c’est à dire sans sourire et avec juste ce qu’il fallait de froideur pour un nouvel invité auquel on voulait imprimer un comportement à suivre. Cela donnait le ton, bonjour l’ambiance. Son léger accent et la couleur de sa peau trahissaient des origines nord africaines, « égyptiennes peut être » , pensai-je. Donc après qu’il m’ait bien fait comprendre qu’il n’était pas nécessaire que je me jette à son cou et encore moins que l’on se fasse la bise, le majordome de service me pria de le suivre. Je ne me fis donc pas prier. Nous traversâmes un très long couloir à la décoration franco-égyptienne, si je puis m’exprimer ainsi. Sur les meubles style Louis XVI étaient savamment répartis des vases et des statues en bronze représentants diverses divinités. Sur les murs couleur sable des portraits de l’Égypte antique, des lithographies signées David Roberts et des papyrus hiéroglyphiques richement encadrés étaient accrochés. Monsieur Loyal frappa deux légers coups très respectueux à la porte du bureau de son patron et l’ouvrit : 
“ Entrez, entrez donc Monsieur Carter, ne vous faites pas prier ! “  
Le sourire affiché par Bernard Morante contrastait avec le visage sévère de son G.O. Il fit quelques pas dans ma direction contournant ainsi l’immense bureau en bois clair sur lequel il travaillait manifestement à en croire les nombreux papiers griffonnés et les livres ouverts qui se superposaient. Un ordinateur allumé et connecté à internet laissait apparaître les cartes géographiques de zones désertiques qu’il devait étudier. “Sans doute pour situer le lieu des aventures des héros de son prochain roman” pensai-je. Il était habillé très simplement ayant troqué le costume sable et le nœud papillon de notre première rencontre contre un jean bleu et une chemise rose pâle. Nous nous serrâmes la main et je quittai à nouveau le sol. « Ca y est, j’y suis ! » Me dis je. J’avais tellement lu les écrits de cet homme que j’avais l’impression, face à lui, d’avoir découvert le Saint Graal. Il me proposa un siège puis reprit place dans son fauteuil derrière son bureau. C’était donc là qu’il travaillait, qu’il écrivait ses fameux romans que j’avais lu avec passion. La décoration de son antre secrète était identique à l’entrée par le style. Le même mobilier et toujours beaucoup d’objets égyptiens de collection. Sur un des murs, étaient encadrés les couvertures de cinq de ses plus célèbres romans, véritables best seller ayant tous obtenu un prix littéraire, comme “ Néfertari, princesse d’Égypte “ ou encore “Le réveil des Dieux”. Autant de titres de roman sur fond d’Égypte Antique qui me rappelaient des heures de lecture passionnées. J’avais la sensation d’être remonté à la source du Nil, à la source de ce fleuve auquel je m’abreuvai depuis tant d’années. “Osiris, pensai-je, j’ai mon Osiris à moi devant les yeux... “ Je me calai bien au fond de mon fauteuil afin de reprendre contact avec le monde réel. Les pieds bien à plat sur le sol, les mains tranquillement posées sur les accoudoirs, je pris une profonde et discrète inspiration afin que cette étrange et inhabituelle fébrilité qui m’envahissait soudainement transparaisse le moins possible. Je commençai enfin :  
“ C’est très aimable de votre part de me recevoir, Monsieur Morante, et d’accepter cette interview.  
- Une promesse est une promesse, mon cher David. Vous permettez que je vous appelle David ?  
- Avec plaisir, bien sûr !  
- Alors, je suis à vous mon cher David. Faites donc votre métier, je vous écoute !  
Et l’interview commença. Tout d’abord par l’origine de la passion du romancier pour l’Égypte des Pharaons. Il me répondit :  
- Cela me vient de mes lectures passées. A commencer par celles de l’enfance et notamment les bandes dessinées où l’aventure se mêlait à la magie égyptienne. Ensuite, il y a eu aussi Théophile Gautier et son “Roman de la Momie “, je vous passe également tous les films de mon enfance et de mon adolescence qui traitaient du sujet et qui ont fait rêver des générations entières de cinéphiles. Suivirent les compte rendus d’explorations des égyptologues du 19ème et du 20ème siècle. Cette passion pour l’Égypte était pour moi tout à fait naturelle, presque... évidente ! J’étais plus à l’aise dans ce monde que dans mon époque et c’est toujours le cas aujourd’hui. Écrire sur le sujet, inventer tous ces personnages ne sont finalement que des prétextes. Ces derniers me permettent des rencontres avec les hommes illustres de cette grande époque de l‘Antiquité, des temples aux pyramides, des prêtres aux pharaons, du Delta à la Nubie, du Fayoum à la Vallée des Rois,... Je me suis rendu dans ce pays des dizaines de fois et la magie opère toujours aujourd‘hui. Je m’y sens un peu comme chez moi, à vrai dire. 
- L’Égypte vous fait rêver, vous passionne et vous envoûte toujours me dites vous. Vous lui avez tant donné en captivant à votre tour des millions de lecteurs à travers le monde. Qu’attendez-vous encore du Pays des Pharaons aujourd’hui ? Pensez-vous qu’il puisse encore vous étonner ?  
- Jeune homme, quand on tombe amoureux de ce pays et de sa population, de ses pratiques actuelles et ancestrales, c’est pour la vie jusqu’au jour où l’on se retrouve face à face avec Osiris, sourit-il. Oui, ce pays me surprend et me surprendra toujours. Les reconstitutions inhérentes aux trouvailles que font encore les égyptologues de nos jours sont stupéfiantes. Nous n’avons trouvé en deux siècles de recherches que vingt pour cent des trésors que recèlent les sols égyptiens en réalité. Tout est donc permis ! C’est d’ailleurs à ce titre que je repars le mois prochain en Égypte pour assister à un évènement particulier qui remettra beaucoup de choses en question !  
- Ah, et quel est-il ?  
- Là, mon cher David, je ne peux vous en dire plus. Tout ce que je peux vous dire, c’est que la face du monde risque d’en être changée. Certains des égyptologues que je connais risquent de devoir revoir leurs copies.  
- Vous m’en dites trop... ou pas assez, Monsieur Morante. Vous avez piqué ma curiosité. Je vous en prie, dites m’en un peu plus ! Suppliai-je.  
- Je ne le peux, malheureusement... Cependant...  
- Oui ?  
Le romancier plissa les yeux et pris un air mystérieux. Je ne le quittai plus du regard et attendis non sans impatience qu’il finisse sa phrase. Il reprit :  
- Vous me plaisez bien, David. Vous êtes jeune, dynamique. Vous portez l’amour de l’Égypte Antique en vous, ça se sent !  
Il marqua une pause. Les quelques secondes qui s’écoulèrent me parurent une éternité. Je dus faire tous les efforts du monde pour ne pas sauter sur le bureau et le menacer avec le magnifique coupe papier en argent massif à tête de lion qui trônait sur son bureau si d’aventure il lui prenait encore l’envie de s’arrêter en si bon chemin. Maintenant, il ne bougeait plus à croire que quelqu’un avait appuyé sur le bouton “ arrêt sur image “.  
“ Oui ! “ Finis-je par dire dans un souffle, n’y tenant plus.  
Et il se leva. Manifestement, il réfléchissait. La main sur le menton, il fit le tour de son bureau et s’approcha d’un meuble bas en acajou moucheté finement décoré. Il en ouvrit une petite porte qui laissa apparaître quelques bouteilles d’alcool. Il saisit un whisky de vingt ans d’âge et me proposa un verre de ce délicieux nectar ambré que j’acceptai. Ce n’est pas que j’étais particulièrement fan de ce genre de liquide mais c’était l’atmosphère ambiante et ce qui immanquablement en découlerait qui me le commandaient. Il me tendit un verre rond et large au fond épais et y déposa quelques centimètres de cette “eau de feu” écossaise ainsi que deux glaçons. Il se servit de la même manière, retrouva sa place face à moi et reprit après un temps qui paru interminable à mes pauvres nerfs :  
- Êtes-vous déjà allé en Égypte, David ?  
- Non, jamais, tremblai-je.  
Morante se pencha sur son bureau, y planta les coudes et les mains sous son menton sans me lâcher du regard me lança tout simplement : 
- Que faites-vous le mois prochain ?  
- Je... Et bien... Je suis en congés... Enfin, je crois... Bredouillai-je. Mais, je ne vois en quoi… Où voulez-vous en venir ?  
- Voulez-vous m’y accompagner ?  
Un bref et puissant éblouissement. Voilà ce que je ressentis à l’annonce de cette proposition. “ Essayons de résumer. Mon auteur favori me propose de l’accompagner en Égypte. Je n’y suis jamais allé. Je n’ai fait que l’imaginer jusqu‘ici. Elle a nourri mes rêves depuis l’enfance et ces rêves sont sur le point de devenir réalité ! “  
“ David, vous êtes toujours là ?  
- Oui, Monsieur Morante, plus que jamais, lui affirmai-je en tentant non sans peine de sortir de cette subite torpeur qui m‘avait saisi. Je crois que je n’ai jamais autant été aussi présent que maintenant… 
Après quelques secondes, mes réflexions reprenant un cours un peu plus normal, je l’interrogeai : 
- Mais pourquoi me faire une telle offre? A moi que vous ne connaissez pas?  
- J’ai toujours marché à l’intuition, David, et cela m’a toujours réussi. J’ai tout de suite senti en vous l’homme qu’il me fallait à l’instant même où nous nous sommes rencontré.  
- Comment ça “ l’homme qu’il vous fallait “?  
- J’ai besoin d’une personne à mes côtés pour m’aider entre autre dans l’établissement de mes notes. Le moment que je vous propose de vivre dans moins d’un mois mérite que des experts s’y penchent et que le compte-rendu qui en découle soit à sa hauteur, c’est à dire précis, scientifique et rapporté de sorte qu’il soit compris du plus grand nombre. Vous avez ce talent journalistique, David, de formuler au plus juste n’importe quel évènement pour qu’il soit entendu et appréhendé au mieux des lecteurs.  
- Mais, Monsieur Morante, je ne suis qu’un amateur par rapport à vous. Après vous, c’est vous le professionnel de la narration. Votre talent de romancier est beaucoup plus à la hauteur de n’importe quel évènement. Il n’est plus à démontrer !  
- Je suis beaucoup trop impliqué, trop concerné. J’ai peur de ne pas être suffisamment objectif. J’ai besoin d’un oeil neuf, d’une vision jeune, d’une écriture différente et d’une dialectique moderne et adaptée. Vous êtes la personne que je recherche. J’ai d’ailleurs fait ma petite enquête à votre sujet, je n’ai pu m’en empêcher, notamment en lisant quelques uns de vos articles passés. Alors, votre réponse ?  
- Mais, le billet... Les papiers… Il faut que je m’organise… Vous me prenez un peu de court et… 
- Ce n’est pas un problème, me coupa-t-il. Nous embarquerons ensemble le 12 Juillet prochain. Mon secrétaire s’occupe d’ailleurs de tout. Nous faisons comme ça ?
 
 

 
 
 
 
   
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