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  LE PHARAON BLANC







Vol au Musée ?

Chapitre 3 
 
J’avais vraiment une sale tête le matin suivant. En tout cas, c’est ce que m’avait révélé le miroir de la salle de bain. Il faut dire que la nuit avait été particulièrement courte. Trop de questions s’étaient bousculées dans ma tête et j’avais passé une grande partie de ce temps nocturne accoudé à la table de la cuisine à griffonner du papier et à boire pas mal de café. Un schéma vaut mille mots, avais-je toujours appris d’où la nécessité ressentie de mettre à plat et par écrit tout ce que j’avais pu vivre au cours de ces dernières vingt-quatre heures. C’est ce que j’avais toujours fait lorsque je flairai le bon coup ou les affaires un peu tordues où toutes les pièces se faisaient face sans coordination apparente. Bethell avait piqué ma curiosité et m’empêchait de dormir tranquille. Qui était-il vraiment et quel était le rapport avec Morante ? Et l’allusion à la soi-disante proposition de la part de ce dernier, que voulait-il dire par là et comment le savait-il? Je finis par rendre les armes au milieu de la nuit. De toute façon, j’ai toujours attiré les personnages étranges et ça me poursuit depuis longtemps. Je suis un peu au bizarroïde ce que Mulder est au FBI, un simple spécialiste du fait. Surpris, bien évidemment, je l’ai été par la visite en plein resto de ce golden boy tout droit sorti du 10, Downing Street. Mais pas tant que ça finalement car dès qu’un original passe dans le secteur, il est pour moi. C’est de cette façon que, par le passé, j’ai été approché par un témoin d’atterrissage d’Ovni, par un expert en sorcellerie blanche persuadé qu’il pourrait faire de moi ce qu’il voudrait, par un spécialiste du spiritisme, par un châtelain dont les co-locataires, morts depuis deux cents ans, hantaient son domaine, par des sectisés qui voulaient me convertir,... Bref, ma vie n’est faite que de rencontres curieuses et surprenantes qui ont toutes un point commun, celle de me surprendre et de faire rire mon entourage habitué à tous ces contacts paranormaux concentrés autour d’un seul être : moi. Donc que ce type m’ait abordé de la sorte ne me surprend donc pas tant que ça. On s’habitue à tout finalement. Les gens sont surprenants, fascinants et c’est ce qui fait le piquant de l'existence. D’autant plus que mon métier de journaliste n’a jamais influencé ces rencontres, les protagonistes m’approchant directement sans que je leur fasse état de ma profession. Un rapide petit déjeuner avalé, une bonne douche réparatrice et je filai au bureau afin de travailler sur la maquette demandée par mon boss. Les rues étaient un peu plus animées que la veille au soir, activités professionnelles du jour obligent, mais le soleil, déjà haut dans le ciel, chauffait maintenant les crânes et imprimait, à cette ville bruyante, un petit air de vacances. La veste sur l’épaule, je décidai donc de ne pas prendre mon véhicule afin de profiter au maximum de cet agréable moment de marche qui s’annonçait. Ce fut le cas lorsque, traversant la rue Molière et son marché hebdomadaire, je pus profiter du spectacle offert par les nombreux commerçants qui étalaient leurs marchandises et notamment les primeurs qui présentaient leurs fruits et leurs légumes. Couleurs et senteurs de toutes sortes s’entremêlaient pour le plus grand plaisir des sens. Le ravissement fut total lorsque je passai près des fleuristes. Le marché occupait chaque semaine plusieurs rues piétonnes dans le centre ville bordées de chaque côté par les typiques maisons normandes à colombages et à étages à la charpente apparente et au torchis blanc. Le marché était animé par les cris des commerçants derrière leurs étals haranguant les passants et leur proposant de sentir tel produit ou de goûter tel autre. Quelques minutes après, j’étais à la Rédaction. La promenade m’avait fait beaucoup de bien et redonné la pêche pour la journée ayant même réussi pendant ce laps de temps à me faire oublier quelque peu les questions qui me harcelaient. Je montai quatre à quatre les marches du petit immeuble pour rejoindre les bureaux du 1er étage où se trouvait le “Normandie Matin “.  
“ Alors, les gars, ça va ? “ Lançai-je à la cantonade. La douzaine de collègues réunis dans le bureau qui servait de cantine de fortune me serrèrent la main tout en me tendant une tasse de café, le fameux breuvage noir que l’on trouve dans toutes les bonnes rédactions de France et de Navarre.  
“ Dis-moi, Serge, j’aurais besoin de te voir tout à l’heure. J’ai un papier à faire sur mes momies. Faut d’ailleurs que je vois aussi Raymond pour ça...  
- Ouais, le patron m’a laissé un mail à ce sujet, m’apprit le barbu. Mais au fait, toi qui vit à l'heure égyptienne depuis quelques temps, t’es au courant pour le musée, cette nuit ?  
- Non, quoi ?  
- T’as qu’à demander à Pierre, il était aux premières loges ! Hein, Pierrot !  
Les regards se tournèrent vers le collègue qui se fit une joie de raconter une nouvelle fois son histoire. C’est pas tous les jours que l’actualité fait un stage nocturne sous les fenêtres de celui qui a vu tant de nouvelles passées sous ses yeux en 25 ans de métier. Il prit son air le plus mystérieux possible, saisit ses lunettes dont il ne manqua pas de mordiller une des branches avant de commencer et ce, après quelques secondes de silence afin de préparer au mieux ses effets :  
“ Et bien, il s’en passe de belles chez tes Égyptiens, mon petit David ! Imagine-toi que, vers 4h00 du matin, l’alarme du musée s’est déclenchée. Et ça gueulait, tu peux me faire confiance.” Il marqua un temps d’arrêt jusqu’à ce que je n’en puisse plus et que je le supplie rageusement de continuer, ce qui ne manqua pas de le faire sourire.  
“ Ca gueulait, donc. Tous les gens étaient à leurs fenêtres. Même Michalon, l’ancien légionnaire du rez-de-chaussée, qui affiche 85 ans au compteur, était dehors en chaussons et en robe de chambre sur la pelouse, c’est pour dire. Bref, au bout de 10 minutes, pas plus, les sirènes des flics ont retenti et une bonne demi-douzaine de voitures avec gyrophares, sont apparues et se sont garées précipitamment sur le parking du musée. Ils sont sortis de leurs bagnoles et puis se sont engouffrés dans le bâtiment. La sirène d’alarme s’est interrompue au bout de cinq minutes, après que le directeur, le père Lefort, soit arrivé. Du coup, moi, je ne dormais plus alors je suis allé jeter un oeil. Je n’étais pas le seul, tu penses bien. D’autres personnes de mon immeuble et des immeubles voisins sont allés essayer d’en savoir un peu plus mais sans succès. Black out total autour du bazar. J’ai voulu interroger les trois flics en uniformes qui stationnaient près des voitures mais rien. Alors, si tu pouvais en savoir un peu plus, ça m’intéresserait bien...  
- Et c’est tout ?  
- Bah, oui ! 
- Tu ne sais vraiment rien d’autre ?  
- Bah, non ! “  
Et il rechaussa ses lunettes, signe que l’information s’arrêtait là. Fin de l’édition spéciale et de la conversation. Je laissai là mon café et me précipitai sur le téléphone pour appeler Lefort. Un rapide coup d’œil sur mon agenda afin d'y retrouver le numéro du musée. A la quatrième sonnerie, une personne décrocha :  
“ Bonjour, Madame. Carter de “Normandie Matin”. Je souhaiterais parler à Monsieur Lefort, S’il vous plait.  
- Un instant, je vous prie... “  
Quelques minutes s’écoulèrent pendant lesquelles me revinrent en tête des bribes de conversation avec Béthell au sujet des vols dans les musées.  
“ Allo, oui ?  
- Monsieur Lefort ?  
- Bonjour, Monsieur Carter, comment allez-vous ?  
- Très bien, merci. Je vous appelais pour vous dire que votre article est prêt et qu’il paraîtra demain. Mais j’ai une autre bonne nouvelle puisque mon Rédacteur en Chef est d’accord pour qu’une double page spéciale sur l’Égypte Antique soit publiée la semaine prochaine sous couvert du musée bien évidemment ! J'aurai donc à nouveau besoin de vos compétences !  
- Ce sera avec plaisir. Ce sont effectivement deux bonnes nouvelles, dites-moi !  
- Votre merveilleuse exposition et ma rencontre avec Bernard Morante en sont les principaux responsables.  
- Ce cher Morante... Mais, vous savez, nous avons fait un gros travail d’équipe pour réunir toutes ces merveilles. Vous pensez, près de deux ans de travail ! Ce n’est pas rien ! Mais je crois vous avoir déjà raconter tout cela lors de nos rencontres précédentes. Je vais finir par vous donner l’impression de me répéter ! 
- Euh, dites-moi, pendant que je vous tiens, un de mes collègues m’a rapporté un fait curieux. Il semblerait que vous ayez eu quelques soucis cette nuit au musée...  
Lefort marqua un blanc semblant curieusement trahir une gêne évidente. Il reprit :  
- Euh, vous savez avec ces alarmes... Il faut dire que ça se déclenche pour un rien... Mais rien de grave, rassurez-vous. J’attends d’ailleurs les techniciens de la société de maintenance du système de sécurité d’un moment à l’autre. Je vais devoir vous quitter, Monsieur Carter, pardonnez-moi... On me demande sur un autre ligne, semble-t-il. Merci encore pour toutes ces bonnes nouvelles !  
Et il me raccrocha quasiment au nez. Visiblement, j’avais mis le doigt où ça faisait mal. Lefort était un homme entier incapable de mentir sans que cela ne se voit. Une seule solution : Marc au commissariat. Effectivement, ça peut servir d’avoir un ami Rédacteur en Chef. Mais, pour un journaliste, que son ancien ami, et frère de son boss, soit inspecteur de police peut se révéler une aubaine. Je saluai donc rapidement mes collègues en leur promettant de revenir au plus vite faire mes derniers réglages de mise en page avec Raymond et Serge pour la spéciale, et je sortais en courant du bâtiment pour me rendre à l’Hôtel de police situé tout près lui aussi. Passés les deux premiers pâtés de maison, il me restait une rue à traverser lorsque j’aperçus au loin, sortant du commissariat le sieur Bethell en personne qui montait déjà dans une puissante berline, garée malheureusement trop loin pour pouvoir en lire la plaque minéralogique...  
 
Marc ne m’apprit pas plus que ce que je ne savais déjà sur les évènements de la nuit, corroborant les dires de Lefort, ce qui me déprima. Rien n’avait disparu selon lui dans le musée, aucune trace d’effraction. Quant à Bethell, il ne l’avait pas vu, ne le connaissait pas. Cependant, il me promit d’interroger le collègue qui aura eu un contact avec lui. Inspecteur de police dans sa ville d’origine, Marc semblait tout à fait dans son élément. Quand je pense qu’en primaire, il se refusait toujours à jouer le gendarme lui préférant le rôle du voleur. Les temps changent. Physiquement, il était aussi grand que son frère, sinon plus. Ils me donnaient le tournis ces deux girafes. On se promit de se revoir rapidement. Il avait un moyen imparable de me voir rappliquer : le barbecue qu’il préparait à merveille avec sa femme Sylvie, une ancienne camarade de classe, elle aussi, qu’il avait épousée, 5 ans auparavant. Il faut dire que, collégiens, nous nous disputions ses faveurs, multipliant les facéties dans le but avoué d’attirer son regard...  
 
Retour à la case départ, et retour à la Rédaction. Je passai dans le bureau de Raymond et lui promettais de revenir dans les dix prochaines minutes exécuter le travail attendu mais pas avant d’avoir passé un dernier coup de fil. Et pas n’importe lequel, LE coup de fil à mon idole pour LE rendez-vous du siècle :  
“ Allo, Monsieur Morante ? “
 
 

 
 
 
 
   
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